ÉTABLIR UNE RÉELLE RELATION A ÉGALITÉ DE REGARDS…

« Docteur Elisabeth ZUCMAN, Présidente d’Honneur des TOUT-PETITS, le 22 mai 2019 lors de la remise des insignes de Chevalier de l’Ordre National du Mérite à Gérard COURTOIS, Vice-Président, Directeur et Directeur Général de 1988 à 2018. Aux côtés de son ancien élève et ami, dans les locaux parisiens de l’association où elle aimait nous rencontrer. Sont présents, de gauche à droite, Alain OLESKER, Président de l’Association de 2002 à 2017, Dominique GILLOT, ancien Ministre, Président du Conseil National Consultatif des Personnes Handicapéées et Thierry LORIN, Président de l’Association LES TOUT-PETITS, depuis 2017 »

Comment avez-vous connu Mme Zucman ?

Lorsque j’effectuais mes études pour devenir éducateur spécialisé à l’école de Montrouge, Mme Zucman était directrice et formatrice. Elle m’a donné des cours, corrigé des devoirs, accompagné dans des recherches.  Elle était déjà très attachée à la psychopédagogie et insistait toujours sur l’écoute, la manière d’être, celle de recevoir… Elle tenait à notre permanence d’attention, à notre vigilance constante. Elle était soucieuse de notre authenticité à être avec les autres et notamment ceux qui nous étaient confiés : ils devaient compter pour nous, nous devions en avoir le souci par devoir et professionnalisme – mais il ne nous échappait pas qu’elle souhaitait que cela nous devienne naturel … J’espère que je l’ai été pour tous ceux que j’ai eu l’honneur de croiser, côtoyer.

En quoi Mme Zucman a-t-elle été importante pour vous et pour l’association ?

Elle faisait bénéficier aux professionnels de nos établissements et services de son experience, de ses conseils et recommandations. Elle avait l’art de renforcer notre confiance dans le meilleur de nous-mêmes en nous invitant à exprimer nos idées et développer nos capacités d’analyse. Elle nous guidait mais surtout nous responsabilisait. Elle entendait que nous assumions nos missions pas en se reposant sur elle, mais en endossant ce rôle de guidance et présence dans l’accompagnement en respectant l’autre et son cheminement.

Tous les membres de l’association qui l’ont approchée ont appris à la connaître, à l’apprécier et surtout à mieux regarder le monde et tous les Hommes, avec leurs vulnérabilités et leurs failles, leurs forces et leurs qualités. Elle croyait à la force du regard positif. Elle s’attachait aux capacités plutot qu’aux manques. Elle valorisait toujours nos petits pas sans nier nos reculs mais s’intéressait toujours aux progrès et aux possibles bien plus qu’aux pronostics et statistiques dont elle se méfiait. Elle avait cette capacité à aider les autres, à écrire et à transmettre. Notre responsabilité est maintenant de suivre ses enseignements et de ne pas les oublier.

Quelles sont les actions que vous avez menées en collaboration avec Mme Zucman ?

Après le départ de Minkowski, elle a accepté ma proposition de devenir notre Présidente d’Honneur. Elle a, alors parrainé l’association dans tous ses moments forts en apportant avec force, moult conseils, recommandations, attentions, vigilances. Elle a assuré des réunions avec les familles et les personnels, sur les sujets très complexes, difficiles voire intimes… mais s’est aussi attachée à remplir ses obligations de présidente d’honneur lors de nos inaugurations et tous les grands événements associatifs des Tout-Petits.  Elle aimait à lire nos journaux d’établissement – notamment du SSAD des Molières. Elle était par ailleurs, devenue Présidente d’Honneur du Groupe Polyhandicap France, alors que j’en était le Secrétaire Général.  C’est aussi au sein de ce groupement que son enseignement a pu se transmettre par les congrès les thématiques, le groupe éthique où les Tout-Petits ont été actifs et contributeurs avec leurs équipes et leurs familles.

Quels sont vos meilleurs souvenirs d’elle ou les meilleurs souvenirs que vous avez en commun avec elle ?

Ce qui m’a marqué, ce sont surtout les rencontres avec les enfants, les adultes et leurs familles. Elles m’ont permis de découvrir toute l’humanité des personnes polyhandicapées. Le plus dur, ce n’est pas d’aider ces personnes en difficulté dans leurs tâches quotidiennes, mais d’établir une réelle relation avec elles, à égalité de regards…Pour elle, leurs grandes vulnérabilités n’altèrent en rien leur humanité et leur citoyenneté. Son enseignement au sujet des personnes en situation de polyhandicap affirme les multiples aptitudes des personnes les plus fragiles dans leur capacité à vire, sentir, ressentir, penser, rêver, percevoir, comprendre l’essentiel et le primordial des caractéristiques de l’espèce humaine.

Elle a enseigné que prendre le temps d’être avec l’autre, de se soucier de l’autre, d’aimer l’autre, de faire en sorte qu’il compte pour soi et existe bel et bien malgré les doutes, les hésitations, … permettait d’établir une relation partagée, qui n’a comme conséquence que de nous enrichir et réciproquement nous épanouir dans nos propres parcours.

Elisabeth Zucman insistait souvent sur l’importance de la main toujours tendue, toujours présente. Elle refusait la rupture définitive ; elle ne voulait voir celle-ci que comme temporaire ou expression d’un besoin de temps que les mieux épaulés doivent savoir accorder (surtout s’ils se disent éducateur… et nous le sommes tous un peu de quelqu’un). Je me suis personnellement approprié cette façon de penser de Mme Zucman. J’espère m’y tenir le plus possible.

Face au plus démunis, aux plus fragiles et vulnérables, aux situations de vie les plus complexes, douter est évidement une réalité récurrente qui constitue une pénibilité spécifique de nos missions d’aidants familiaux et professionnels. Pour autant, s’impose un postulat de base à notre action ; celui qui reconnait l’humanité pleine et entière à tous ces personnes au risque de nuire à leur dignité et rapidement à la nôtre et celle de ceux qui nous survivrons. J’ai personnellement mieux compris tout cela grâce à Elisabeth Zucman mais également garce aux familles des Tout-Petits et du Groupe Polyhandicap France.  Merci donc à la vie pour toutes ces belles rencontres.